Porsche, la course à l’innovation

L’innovation fait, au même titre que la passion et l’héritage, partie de l’ADN de Porsche. Mais des trois valeurs, c’est certainement la plus délicate à appréhender. Si la passion et l’héritage sont des notions qui se conçoivent d’elles-mêmes, l’innovation doit être définie. Oliver Blume, Président du Directoire de Porsche AG, en livre sa vision en reprenant Theodore Levitt, économiste et ancien professeur à Harvard : « La créativité, c’est penser à de nouvelles choses. L’innovation, c’est faire de nouvelles choses. » Elle doit aussi être encouragée et développée car une entreprise n’est pas innovante par nature, elle le devient et doit le rester. Comment ? Selon le patron de Porsche, « un programme d’innovation ne consiste pas à investir dans les dépôts de brevets ou les déclarations d’invention mais à investir dans les hommes. »

Dès son arrivée à la tête de la marque en 2016, Oliver Blume a placé l’innovation au centre du plan stratégique 2025. Andy Grau, Innovation Manager chez Porsche AG, explique cette démarche : « Nous avons mis en place une équipe transversale chargée de faire ce que l’on appelle de l’innovation scouting, c’est-à-dire d’identifier les nouvelles technologies développées par nos partenaires, par différents fournisseurs et dans l’écosystème des start-up. » Porsche réalise ainsi une veille permanente, au niveau mondial, afin de repérer les acteurs qui travaillent sur des solutions de rupture. « Parallèlement à notre veille internationale, un programme d’accompagnement des start-up a été mis en place ici, en Allemagne », complète Andy Grau. « Nous organisons également des rendez-vous dédiés à l’innovation qui donnent l’opportunité à toute entreprise de nous présenter ses technologies. » C’est dans ce cadre que neuf entreprises françaises à haut potentiel ont été repérées.

Assisté par Bpifrance et Business France, Porsche a préalablement sélectionné une cinquantaine d’entreprises et start-up françaises susceptibles de participer à ce concours. « Nous avons défini un programme d’innovation qui couvre de nombreux domaines, dont les plus stratégiques sont l’électrification et la digitalisation », précise Andy Grau. Les entreprises retenues ont eu à présenter un dossier mettant en avant leur valeur ajoutée dans des domaines aussi différents que les batteries, les aides au conducteur, la modélisation 3D, les systèmes robotiques de logistique… Avec comme point commun pour Porsche la volonté d’aller chercher des idées inédites, nées d’une culture de l’innovation différente.

Sur la cinquantaine de dossiers examinés par Porsche, moins de dix ont été retenus pour passer à la phase deux du challenge. Laquelle a consisté en une présentation, par visioconférence, des solutions développées par chacune des entreprises. Charge à elles d’adapter leur discours pour retenir l’attention des responsables de Porsche. « L’opération a été très bien préparée par Business France qui a une antenne en Allemagne spécialisée dans l'industrie automobile. Nous avons été briefés sur la culture de la société Porsche, ses valeurs d’excellence, son histoire et ses attentes », confirme Henri Foucaud, Directeur Général d’Hapticmedia.

Cette entreprise est spécialisée dans la représentation 3D de produits configurables, mais pas n’importe lesquels. « Nous travaillons avec l’industrie du luxe, que ce soit l’horlogerie, la joaillerie ou encore la maroquinerie. Le rendu sur écran doit être à la hauteur de la qualité des produits que ces marques haut de gamme proposent. Grâce à notre moteur 3D, nous sommes capables d’offrir une expérience digitale immersive qui permet de rentrer dans la matérialité du produit, notamment grâce à des calculs de lumière en temps réel », détaille Henri Foucaud. Cette culture de la perfection fait écho au soin apporté par Porsche dans la conception et la construction de chacun de ses modèles. « L’important c’est de traduire l’émotion d’un produit, or elle passe par sa beauté et sa matière. En cela je pense qu’on se rapproche de ce que Porsche souhaite faire vivre à ses clients. » Et les technologies sur lesquelles travaille Hapticmedia laissent entrevoir bien d’autres possibilités. « Nous cherchons à aller plus loin dans l’expérience digitale en utilisant à l’avenir des écrans haptiques qui, en interagissant avec la peau, donneront la sensation de toucher une vraie matière, le grain d’un cuir par exemple », conclut Henri Foucaud. Une telle innovation prendrait tout son sens pour Porsche en s'inscrivant dans la volonté qu'a la marque de faire vivre à ses clients une expérience digitale toujours plus émotionnelle.

e-Mersiv fait également partie des entreprises françaises sélectionnées par Porsche. « Notre objectif est de démocratiser la mobilité électrique grâce à des batteries très hautes performances, c’est-à-dire capables de se recharger en moins de 10 minutes », explique son Fondateur et Directeur Général, Arnaud Desrentes. Un enjeu central pour tous les constructeurs et pour Porsche en particulier qui, avec le Taycan, a endossé le rôle de pionnier dans le segment des berlines sportives électriques. Après avoir passé les premières étapes du scouting, les équipes d’e-Mersiv ont présenté leurs solutions à un aréopage d’experts de Stuttgart. « Business France nous avait briefés sur l’importance d’être factuels, précis et synthétiques mais surtout de se baser sur l’expérience acquise et la validité des chiffres avancés. Nous avons eu des experts techniques en face de nous, dont le responsable du développement de la batterie du Taycan en personne ! Ça a été un échange vraiment passionnant et très enrichissant pour nous », se souvient Arnaud Desrentes.

En organisant ces sessions de scouting dédiées à l’innovation, Porsche va chercher les compétences là où elles sont, mais pas uniquement selon Arnaud Desrentes : « En plus de l’aspect technologique, je pense que Porsche peut trouver chez nous l’agilité, la flexibilité et un goût pour la prise de risque. Cela ne tient pas uniquement à la différence de culture entre la France et l’Allemagne mais également aux caractéristiques d’une start-up comparées à celles d’une entreprise comme Porsche. L’ADN de l’innovation est ce qu’on appelle le test, fail, adjust, c’est l’essence même d’une start-up. » Pour Henri Foucaud, d’Hapticmedia, la french touch qui peut faire la différence au niveau international réside à la fois dans « la tradition du luxe, la finesse de l’exécution et une certaine liberté de création dans le design des produits. »

Fidèle à ses valeurs, Porsche ne conçoit pas un challenge d’innovation comme une démarche à sens unique mais sous la forme une collaboration gagnant-gagnant. Ce que confirme Andy Grau : « L’idée de Porsche est aussi d’aider les petites entreprises ou start-up à développer leur technologie dans la phase de développement et de prototypage. En fonction de ce que la start-up peut apporter à Porsche, et vice-versa, la collaboration pourra être ponctuelle ou s’inscrire dans le long terme, c’est totalement flexible. » Une approche qui place encore aujourd’hui Porsche parmi les entreprises les plus innovantes au monde. De quoi lui permettre d’atteindre l’objectif fixé par Oliver Blume : « rester le premier constructeur de voitures de sport, sur les deux ou trois prochaines décennies. »