Compteurs à zéro
L’équateur marque la séparation entre les hémisphères nord et sud. Voyage inoubliable dans le pays qui porte son nom.
Compteurs à zéro
Porsche 911 Carrera Cabriolet
Consommation de carburant en cycle mixte : 8,5–7,5 l/100 km
Émissions de CO2 (cycle mixte) : 195–172 g/km
Classe énergétique : F–D, Suisse : G
Porsche 911 Carrera
Consommation de carburant en cycle mixte : 8,3–7,4 l/100 km
Émissions de CO2 (cycle mixte) : 190–169 g/km
Classe énergétique : F, Suisse : G
Porsche 911 Carrera S
Consommation de carburant en cycle mixte : 8,7–7,7 l/100 km
Émissions de CO2 (cycle mixte) : 199–174 g/km
Classe énergétique : F, Suisse : G
(actualisation 07/2018)
Les flots sont agités, le ciel est gris, la température avoisine les 25 degrés. Il n’est encore que six heures du matin. Le soleil fera son apparition dans une demi-heure et montera rapidement au zénith, avec un rayonnement UV plus intense que partout ailleurs sur le globe, et il se couchera exactement douze heures après son lever.
0 m d’altitude, 0° de latitude, 0 km parcouru
Sur une plage non loin de Pedernales, un Boxster gris argent fait face au Pacifique. Son moteur tourne au ralenti. Au volant est assis Andrés Galardo, le siège passager est occupé par son amie María Caridad. La capote est repliée, l’aileron rentré. Un drone vidéo bourdonne au-dessus du roadster. C’est le début d’un voyage à travers l’un des pays les plus méconnus et les plus fascinants de la côte nord-ouest de l’Amérique du Sud : l’Équateur.
Près de 300 km de route et 2 850 m de dénivelé nous séparent de Quito, la capitale. Andrés Galardo a fait le trajet la veille. Il est arrivé à la nuit tombée, alors que les moustiques vrombissaient autour de la piscine. Le propriétaire de l’hôtel lui a déconseillé de se garer sous les palmiers en raison du risque de chute de noix de coco. Ce matin, l’heure du départ a sonné. Avec aplomb, les 228 ch de la Porsche se font entendre par-dessus le grondement furieux du ressac. Construit en 2003, ce Boxster est devenu la propriété d’Andrés Galardo sept ans plus tard. Pour lui, avoir sa propre Porsche était un rêve d’enfant, qu’il nourrissait depuis que son oncle Mario l’avait fait monter dans une 911 Turbo (Type 930). Il a mis de l’argent de côté. À 26 ans, il a finalement pu s’offrir le Boxster.
Accélération sur la route secondaire menant à Pedernales, une petite ville à quelques kilomètres au nord de l’équateur. Mais sans dépasser les 100 km/h : c’est la vitesse maximale autorisée en Équateur, même sur les nombreuses et récentes autoroutes à huit voies. Et la taille du réseau routier n’a d’égal que la rigueur des contrôles : tolérance zéro ! Même un léger dépassement peut coûter cher, alors Andrés Galardo appuie sur le frein après la moindre accélération. Nous sommes encore dans la Costa, la plaine fertile bordant la côte, qui forme la quatrième région du pays avec la Sierra andine, l’Oriente (la partie amazonienne du territoire) et les îles Galápagos.
Au milieu du monde, quelques minutes de route suffisent souvent pour passer d’un paysage spectaculaire à un autre.
La route s’élève doucement, s’enfonce entre les plantations et les forêts de bambous. Par endroit, des pelles mécaniques fouillent les profondeurs de la terre : au pays de l’Eldorado, les chercheurs d’or espèrent trouver le trésor qui fera leur fortune. Mais leur labeur n’est rémunéré que par le salaire de base, 386 dollars américains mensuels. En 2000, l’Équateur a abandonné le sucre et adopté le dollar américain comme monnaie officielle. Les exportations de pétrole, de bananes et de fleurs coupées s’en trouvent facilitées. Et le pays dispose aussi d’un autre atout : la richesse de ses écosystèmes. Sur un petit territoire, l’Équateur présente une biodiversité unique au monde. Dans les Galápagos : tortues géantes, sauriens, otaries. Le long de la côte continentale, de juin à septembre : des milliers de baleines à bosse venant se reproduire. Dans la Costa : iguanes, perroquets, singes. Dans la Sierra : condors et vigognes, les plus grands oiseaux de proie et les plus petits camélidés du monde. Et de l’autre côté des Andes, dans le bassin amazonien : tapirs, jaguars, singes, perroquets, piranhas et plus d’espèces d’insectes que dans toute l’Europe.
1 500 m d’altitude, 0° de latitude, 200 km parcourus
En contrebas, la petite ville de Mindo. Devant le Boxster, un glissement de terrain, derrière, un embouteillage. La route est bloquée, le paysage brumeux. D’épais nuages s’empêtrent dans la jungle sur le versant occidental des Andes. Restent la pluie, le grondement des cascades et une visibilité n’excédant pas 50 m. Andrés Galardo est designer, chef de produit et copropriétaire d’une usine de motos. Chaque année, il imagine un nouveau modèle, s’envole pour la Chine, achète les pièces et fait fabriquer environ 1 000 motos de 350 cm³ maximum. Ses meilleures ventes sont les tout-terrain, adaptées à la conduite sur piste, hors des routes principales. Les poules, les cochons, les courses de la semaine, des familles entières : ici, presque tout est transporté en moto. La plupart des policiers se déplacent eux aussi en deux-roues pétaradants, les voitures de patrouille étant rares. L’embouteillage se disperse lentement. Quelques centaines de lacets plus loin, Quito apparaît.
2 850 m d’altitude, 0° de latitude, 287 km parcourus
Quito, la plus belle ville d’Équateur, est aussi la plus haute capitale du monde, avec un million et demi d’habitants et un air raréfié qui essouffle les visiteurs venant de la plaine. Des étés frais, des rues pavées en pente raide, une architecture coloniale, des hôtels de luxe, des cafés, des marchands de glace. Andrés Galardo se dirige droit vers une station-service de la banlieue de Cumbayá, point de rendez-vous des amateurs de Porsche. Coiffé d’un panama, Felipe Otero est venu avec femme et enfants dans une 911 Targa rouge de 1977. Patricio Verduso et son épouse Alexandra occupent une 911 Cabriolet dorée, Diego Guayasamin et son amie Natalie une 911 Carrera noire.
Et Jean-Pierre Michelet est au volant d’une 911 noire de 1974. Il est accompagné de sa fille Dominique, toujours partante pour une sortie en Porsche avec papa. Jean-Pierre Michelet est une célébrité en Équateur. Ancien pilote de course, comme son père Pascal avant lui, il compte notamment une deuxième place dans sa catégorie aux 24 Heures de Daytona 1995. Aujourd'hui, il présente Sinfonía de Motores à la télévision, une des émissions sportives les plus populaires du pays après le football. Enfant déjà, Jean-Pierre Michelet aimait les Porsche. « Tu sais comment cette 911 se pilote ? Avec l’arrière. Il faut être attentif et freiner au bon moment avant le virage. »
4 658 m d’altitude, 0° 41´ 3˝ S, 370 km parcourus
Le convoi Porsche ronronne à 100 km/h sur ce tronçon de la Panamericana.
À gauche se dresse le Cotopaxi, ses 5 897 m pointant vers le ciel bleu, un cône parfait surmonté d’une calotte de glace. Impossible d’imaginer qu’il s’agit là de l’un des volcans les plus actifs et les plus dangereux au monde. Le seul indice : les panneaux verts indiquant les itinéraires d’évacuation à l’intérieur et à l’extérieur de Quito. Près d’une cinquantaine d’éruptions ont eu lieu ces trois derniers siècles. La ville de Latacunga, au pied du volcan, a été entièrement détruite et reconstruite à deux reprises. Peu de temps avant d’atteindre la ville malchanceuse, les voitures de sport bifurquent sur une nouvelle piste asphaltée qui grimpe jusqu’à 4 000 m.
Des vigognes paissent sur les hauts plateaux arides.
Diego Aguirre, un vendeur de voitures, allume la musique à bord de sa 911 Carrera S : Jamiroquai, White Knuckle Ride. La playlist a été spécialement confectionnée pour l’excursion. Au bout d’une dizaine de kilomètres, un « gendarme couché », comme les Équatoriens aiment à appeler les ralentisseurs, arrête la caravane. Il marque le début d’une piste dont la surface, déformée sous l’effet de l’érosion, a pris l’apparence d’une tôle ondulée. Alors que le convoi s’en retourne vers le haut-plateau, Frank Sinatra entonne My Way dans la voiture de Diego Aguirre. Il fait nuit lorsque le groupe revient à Quito. Dernier petit crochet pour rejoindre la statue de la Vierge de Quito, plantée au sommet du Panecillo, le « petit pain », une colline culminant à 3 035 m d’altitude. Son nom actuel lui a été donné par les Espagnols. Pour les Incas, il s’agissait de « Shungoloma », la colline du cœur. Révélant mille petites lumières blotties entre les silhouettes sombres des montagnes, la vue sur la métropole est époustouflante.
1 900 m d’altitude, 0° 44´ 9˝ S, 550 km parcourus
À l’est, le bassin amazonien et sa forêt tropicale luxuriante représentent la moitié de la superficie du pays.
La route descend à présent vers le bassin amazonien, la forêt vierge. Le Río Victoria creuse son chemin profondément dans la roche. Des cascades se jettent dans le vide depuis la falaise opposée. La brume monte vers les sommets, nous laissons les Andes derrière nous. Le groupe de voitures de sport parcourt maintenant la partie orientale et sauvage du pays. Au barrage routier de Baeza, un contrôle est effectué par les unités spéciales de la police. Devant l’embouteillage qui se forme, les conducteurs Porsche préfèrent rebrousser chemin.
2 850 m d’altitude, 0° de latitude, 650 km parcourus
La cordillère des Andes traverse le pays du nord au sud, formant un axe longitudinal qui coupe la ligne de l’équateur.
Retour à Quito. Le convoi emprunte la nouvelle autoroute urbaine en direction de la « Mitad del Mundo », au nord de la ville, à San Antonio de Pichincha, où un monument représente le passage de l’équateur. Les voitures se garent devant le siège de l’UNASUR, l’Union des nations sud-américaines. Ce bâtiment à l’architecture futuriste a été dessiné par Diego Guayasamin.
Le petit groupe est reçu par le chef du protocole, dont le bureau se trouve sur l’équateur. Entièrement vitré, il s’avance de 50 m dans l’hémisphère sud, en porte-à-faux : un véritable tour de force dans cette région sujette aux secousses sismiques. À l’horizon, un volcan recouvert de neige domine les montagnes entourant la ville. L’air est pur. Vu d’ici, la côte chaude et brumeuse où a commencé le voyage il y a trois jours semble appartenir à un autre monde. Au moment de partir, le chef du protocole remet à chacun un livre de l’UNASUR intitulé Where Dreams are Born. Un livre dans lequel les nouvelles générations s’approprient le monde et façonnent l’avenir.